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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/406

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Quel affreux confident vous êtes-vous choisi ?
Avec un tel secours, que cherchez-vous ici ?
À quoi destinez-vous des mains si criminelles ?
De tant d'amis, pour vous autrefois si fidèles,
Ne vous reste-t-il plus que le seul Artaban,
Ce ministre odieux des fureurs d'un tyran,
De tous vos ennemis le plus cruel peut-être,
Caché sous des écueils familiers à ce traître ?
Contre de vains détours, ce grand cœur affermi,
Qui sait avec tant d'art surprendre un ennemi,
Avec tant de valeur, si plein de prévoyance,
À des amis de cour se livre sans prudence ?
Je frémis chaque instant, chaque pas que je fais ;
Jusqu'au silence affreux qui règne en ce palais,
Tout me remplit d'effroi ; mille tristes présages
Semblent m'offrir la mort sous d'horribles images ;
Vous ne la voyez pas, Seigneur, votre grand cœur
S'est fait un soin cruel d'en mépriser l'horreur ;
Mais moi, de vos mépris instruite par les larmes
Qu'arrachent de mon cœur mes secrètes alarmes,
Je crois déjà vous voir, le couteau dans le flanc,
Expirer à mes pieds, noyé dans votre sang.
Fuyez, épargnez-moi le terrible spectacle
De vous voir dans mes bras égorger sans obstacle ;
Fuyez ; ne souillez point d'un plus long attentat
Ces lieux où vous devez n'entrer qu'avec éclat.
Je vous dirai bien plus : quoique je la respecte,
Votre vertu commence à m'être ici suspecte.
Allez m'attendre ailleurs ; laissez à mon amour
Le soin de vous rejoindre, et de fuir de la cour ;
Surtout, n'exposez plus une si chère vie.

Darius.

Ma princesse, hé comment voulez-vous que je fuie ?
De ce palais sacré j'ignore les détours ;
Et quand je les saurais, quel odieux recours !
Dût le ciel irrité lancer sur moi la foudre,
À vous abandonner rien ne peut me résoudre.
C'est pour vous enlever de ces funestes lieux
Qu'à mille affreux périls je ferme ici les yeux.
Dussé-je contre moi voir s'armer ma princesse,
J'attendrai qu'Artaban me tienne sa promesse ;
Après ce qu'il a fait, et ce qu'il m'a promis,
Nul soupçon de sa foi ne peut m'être permis.

Amestris.

Malheureux ! À l'objet que vous voyez paraître,