Page:Crémieux et Halévy, Le Pont des soupirs - 1868.djvu/89

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Malatromba, donnant à Cornarino une carte dans le genre de celles des restaurants.

Faites votre choix… Il y a des primeurs… il y a de tout.

Cornarino, rendant la carte après l’avoir examinée.

Non, je ne vois rien. (Avec indifférence.) Ce que vous voudrez.

Magnifico, au Chef des Dix.

Le pal, est-ce trop ?

Le chef des Dix, se récriant.

Oh ! nous ne sommes pas des Turcs !… (Gibetto lui parle à l’oreille.) Ah ! oui… ça n’est pas mal… (À Cornarino.) Pendu alors ?… Pendu ?… ça vous va-t-il, pendu ? c’est ça, pendu !

Baptiste, à part.

Quelle position pour Monsieur !

Le chef des Dix, à l’huissier.

Et maintenant qu’on fasse entrer les invités ! (Musique à l’orchestre. — L’huissier ouvre la porte de gauche ; entrent quatre gardes qui viennent chercher les condamnés. — Pendant ce temps, le Chef des Dix s’est approché de Cornarino et lui dit d’un ton pénétré :)[1] On vous attend, cher ami… vous ne m’en voulez pas ?… J’aurais voulu faire mieux… mais je ne suis pas seul… il y a des exigences… vous savez… ne faites pas attendre Baptiste.

Il remonte et va se remettre à sa place.
Cornarino, venant au milieu.

L’instinct ne trompe jamais… j’avais toujours eu pour la mort une grande répugnance. — Allons, viens, Baptiste.

Baptiste, s’approchant de Cornarino.

Je vous suis, monsieur, mais sans enthousiasme.

Cornarino.

Mon Dieu !… J’aimais pourtant bien la vie !… La vie, c’est encore ce que nous avons de meilleur en ce monde !

  1. Baptiste, le Conseil, Chef des Dix, Cornarino.