Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/254

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les épaules. Il n’a eu qu’un tort à nos yeux, celui de rester trop longtemps inédit. Il n’avait encore publié qu’un compte rendu de salon très vanté par les docleurs en esthétique, et une traduction d’Edgar Poe. Depuis trois fois cinq ans, on attendait donc ce volume de poésies ; on l’a attendu si longtemps, qu’il pourrait arriver quelque chose de semblable à ce qui se produit quand un dîner tarde trop à être servi ; ceux qui étaient les plus affamés sont les plus vite repus : — l’heure de leur estomac est passée.


Il n’en est pas de même de votre serviteur. Pendant que les convives attendaient avec une si vive impatience, il dînait ailleurs tranquillement et sainement, — et il arrivait l’estomac bien garni pour juger seulement du coup d’œil. Ce serait à recommencer que j’en ferais autant.

J’ai lu le volume, je n’ai pas de jugement à prononcer, pas d’arrêt à rendre ; mais voici une opinion que je n’ai la prétention d’imposer à personne.

On ne vit jamais gâter si follement d’aussi brillantes qualités. Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire ; il y en a où l’on n’en doute plus : — c’est, la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes mots, des mêmes pensées. — L’odieux y coudoie l’ignoble ; — le repoussant s’y allie à l’infect. Jamais on ne vit mordre et même mâcher autant de seins dans si peu de pages ; jamais on n’assista aune semblable revue de démons, de fœtus, de diables, de chloroses, de chats et de ver