Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/262

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curieux travail : Accourez vite chez moi, rue Flamande, hôtel d’Artevelde, où je vous attendrai toute cette après-midi. » P.-C. »

Ajuster et raboter des lignes avec le docte et puissant rhéteur à qui l’on doit les Roses noires et les Ciels factices, fut et reste ma meilleure fortune littéraire. 1 On m’accordait assez généralement alors, dans le milieu purement artistique où j’étais connu, quelques petits mérites ; on y disait de moi que je soignais beaucoup ma forme et que je ne manquais point d’une certaine originalité, p’il est vrai que je sache aujourd’hui me servir quelque peu de mon outil, l’honneur en est tout entier, je l’atteste, à ce sévère Mentor qui m’apprit à « tailler mes plumes » et m’enseigna la manière de « manger des lexiques ». Heureux et fort heureux serais-je si jamais je digère ceux-ci, gouverne celles-là, aussi bien que ce vénéré doctrinaire, lequel, écrivain hors pair et profond observateur, connaissait les hommes non moins que les mols.f À La Haye, un jour (pressentait-il, ce jour-là, sa fin prochaine et les insolentes inepties que lui décochèrent après sa mort les plumitifs de la chronique parisienne ?), il écrivit, dans l’un de ses derniers et magnifiques poèmes en prose qui dureront autant que les bronzes et les marbres des grands statuaires, cette phrase étrange et prophétique, que les lecteurs habituels ont remarquée et ses amis retenue :

« Il n’est nul moyen ici-bas d’empêcher les bètes immorales de se glisser dans les cimetières et d’y pisser sur les tombes. »