Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/269

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et lente, le sévère correcteur soulignait au crayon rouge au crayon bleu, les phrases qui, selon lui, manquaient de force ou d’exactitude, et ne s’adaptaient point à Fidée ainsi que les gants à la peau. Cherchons, cherchons ! Si le terme n’existe point, on l’inventera ; mais voyons d’abord s’il existe ! Et les dictionnaires de notre idiome, empoignés, étaient aussitôt compulsés, feuilletés, sondés avec rage, avec amour. On faisait souvent bonne chasse, mais quelquefois aussi l’on revenait bredouille. Alors intervenaient les lexiques étrangers. On interrogeait le Français-Latin et puis le Latin-Français. Un pourchas sans merci ! Néant dans les anciens ? aux modernes ! Et le tenace étymologiste, à qui la plupart des langues vivantes étaient aussi familières que la plupart des langues mortes, s’enfonçant dans les vocabulaires anglais, allemand, italien, espagnol, poursuivait pour lui comme pour moi l’expression rebelle, insaisissable et qu’il finissait toujours par créer, si elle ne se trouvait point dans notre langue. « Un néologisme ne fait peur qu’aux académiciens, qui, Sainte-Beuve et Victor Hugo exceptés, jargonnent tous plus ou moins. » En devisant ainsi, l’indomptable praticien s’acharnait à l’ouvrage, et bientôt je le voyais suer à grosses gouttes et geindre, et faire ahan î comme un forgeron en butte aux feux ardents de sa forge et martelant sans relâche sur son enclume le fer rougi qui résiste et qu’il ne peut

Krdre à son gré… Cette après-midi-là, je m’en souviens comme d’hier, 1 mot entre tous, je ne sais plus lequel, longtemps