Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/270

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perdu momentanément la notion saine des règles grammaticale et philologique, à bout d’expédients, nous versâmes subitement dans l’extravagance, moi d’abord et mon maître ensuite. Un barbarisme monstrueux fut inventé. La belle trouvaille ! Il nous sembla que nous avions découvert le Pérou. Quelle çxtase profonde et quelle allégresse ! Heureux et triomphants, nous nous regardions en silence. Illuminés étaient nos yeux et nos traits rayonnants. On eût dit à nous voir que, nouveaux Jasons, nous venions de conquérir la Toison d’Or ! Oui, mais au comble de l’orgueil, l’homme est toujours précipité. Tout à coup, le poète, désabusé, partit d’un grand éclat de rire et s’écria : « Nous somme idiots, simplement idiots ! » Il avait raison et j’en convins. Hardi ! les gros dictionnaires furent bouleversés à nouveau. Rien, rien. À nous, Noël et Chapsal ; à nous les vieux glossaires ; à nous les décrétâtes de l’Institut ; à nous Burnouf et tutti quanti ! Vive l’idiotisme ! en avant tropes et métonymies ! À nous le néo-latin et le néo-grec ! Courage, avançons, allons encore, allons toujours ! Hélas ! hélas I stérile fut ce beau travail-là. J’en étais harassé ! Dévot à ses saints, le scoliaste ne savait plus auquel se vouer et me regardait de travers. . . Soudain, il se frappa le front. Archimède avait bien trouvé, lui ! Sur le plus haut rayon d’une bibliothèque bâillait un effroyable in-folio. S’en saisir, y puiser, en un clin d’œil mon vaillant précepteur fit tout cela. Dans ses mains, le tome énorme voltigeait comme un fétu. Quel était ce livre ? Avec une agitation bizarre j’y jetai les yeux à mon tour. terreur ! Invincible effroi ! de l’hébreu 1 Pierre-Charles