Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/271

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y lisait de gauche à droite les caractères cunéiformes et tandis qu’il syllabait, effaré, ses prunelles noires étincelantes envoyaient de toutes parts, autour de lui, des éclairs terribles. « Assez ! criai-je en lui demandant grâce, assez ! » « Animal ! lâche ! tu ne veux donc pas devenir artiste ? » Il était superbe d’attitude et de physionomie ! Emu, mais nullement fâché de ces âpres paroles, qui me prouvaient combien grande était l’amitié qu’il avait pour moi, je lui tendis cordialement la main. Il se ravisa sur-le-champ et fut le premier à rire de sa saillie qu’il me pria de lui pardonner. « Reprenons haleine, ajouta-t-il, et puis à la rescousse ! Il faut, coûte que coûte, dénicher le merle blanc ! » Opiniâtres, nous nous remîmes encore à l’étude ; mais bientôt épuisés de tant d’efforts infructueux, nous dûmes, cette fois, abandonner le combat. Il fut entre nous décidé que l’expression réfractaire à nos vœux et victorieuse de notre obstination serait laissée en blanc et qu’on remplirait le vide à l’imprimerie, avant la mise en pages. On avait toute la soirée et toute la nuit pour enfanter, et l’enfantement aurait lieu, fallût-il pour cela se servir du forceps. « Ainsi soit-il ! » murmurai— je ; et nous causâmes de politique en fumant des cigares.

Si jadis, en 48, ce curieux « enfant du siècle » et de aria avait professé hautement sa foi républicaine et coi lié le bonnet phrygien, il s’était, malheureusement, depuis lors, désintéressé de la démocratie, et vivait à cet égard dans une trop profonde indifférence, qu’il m’autorisait à blâmer tout en se moquant de ce qu’il appelait mes roiujes lubies ! « Allez ! plus tard, vous