Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/274

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dis-je, comme des hommes ! On en trouve qui sont royalistes et d’autres qui sont républicains ; on en rencontre de divins et l’on en découvre de diaboliques ; il y en a qui sont bêtes et d’autres qui sont intelligents ; enfin il en est qui ne sont rien, pas même bâtards ! Allez, allez, on a beau les écrire tous à l’encre noire sur du papier blanc, certains n’en paraissent pas moins radieux comme le jour, ou sombres comme les ténèbres ; immaculés comme le lys ou rouges comme le sang ! » — Et le vatès, en délire, s’extasiait… « Avec de patientes conjonctions de mots, s’écria-t-il, on arrive à tout : au subtil, au gracieux, au profond, au sublime ! Artiste, de la terreur ? — En voilà ! — De la lumière ? — En voici ! — Rapsode, fais-moi rire ou fais-moi pleurer ? Trouvère, charme-moi, ranimemoi ?… La lyre obéit, et les cœurs attentifs sont par elle enivrés ou meurtris. Oui, les lettres sont le premier des arts ! En faisant de la littérature, on fait à la fois de la peinture, de la sculpture, de la musique, et je ne sais quoi de plus auguste encore ! Le poète crée, il usurpe sur Dieu ! C’est ainsi… L’écrivain, vous disje, est l’homme par excellence, le grand ouvrier ! En écrivant, il dessine, il peint, il grave, il burine, il nivelle, il émaille, il sculpte, il pense, il chante, il rêve, il spécule, il aime, il hait, il fait toutes ces choses en n’en faisant qu’une seule ; il accomplit ces diverses fonctions en exerçant la sienne, qui les contient toutes ! Il est Pan, il est tout ! Il est enfin, parmi les artistes,, le Roi ; de même que parmi les hommes et les mots, le Verbe est Dieu ! . . . »

Cette noble et transcendantale dissertation avait pris