Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/282

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Saur m’a écrit n’en avoir jamais vu dans sa longue carrière de marin, où ils purent presque toucher la mort du doigt, sans que Charles en fût démoralisé, cependant, vint ajouter peut-être à son dégoût pour un voyage qui, dans ses idées, était sans but. Arrivé à Maurice, sa tristesse ne fit qu’augmenter. Là, où tout était nouveau pour lui, il n’a rien vu, rien qui éveillât la faculté d’observation qu’il possédait ; il voulait à tout prix partir pour retourner à Paris, et que, s’il n’y avait pas moyen, il préférait rester à Maurice plutôt que de continuer ce voyage. Le capitaine, craignant qu’il ne fût atteint de cette maladie cruelle la nostalgie, dont les effets parfois sont si funestes, l’a vivement engagé à l’accompagner à Saint-Denis (Bourbon) et que, s’il persistait là à vouloir rentrer en France, il lui donnait sa parole qu’il lui en faciliterait les moyens. \ Bourbon, il a déclaré, comme à Maurice, qu’il voulait partir ; de sorte que M. Saur s’est entendu avec un capitaine du choix de Charles, qui s’embarquait pour Bordeaux, de l’emmener avec lui (sic). Voilà comme Charles nous est revenu au mois de février 18/42.

» Voilà tout ce que je sais de ce voyage. Les détails que je viens de vous donner, je les tiens du capitaine Saur qui me les a écrits, au retour de mon fils. Quand j’interrogeais celui-ci sur son voyage, je m’apercevais qu’il n’aimait pas à en parler. N’était-il pas de même avec les autres, avec ses amis ? Je ne sais, mais je m’abstenais. M. Saur m’a écrit aussi que Charles, qui se tenait loin des passagers, avait avec lui les manières les plus douces et les plus charmantes. Aussi le capitaine s’y était attaché.