Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/308

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morue, le pantalon étroit, et par-dessus le tout, un paletot-sac de bure dont il avait le secret. Au sortir du Louvre, il me conduisit pour rédiger nos notes chez un marchand de vin de la rue du Carrousel, où siégeaient des ouvriers et un postillon de la maison du roi en livrée. Baudelaire demanda du vin blanc, des biscuits et des pipes neuves. Premier effet de la théorie de l’étonnement. Je m’aperçus qu’il me regardait de côté pour voir l’effet que produisait sur moi sa proposition de travailler au cabaret. Naturellement je ne bronchai pas. Néanmoins il dit le lendemain à Nadar qu’il m’avait profondément scandalisé. Le lendemain nous nous rencontrâmes de nouveau au Salon, mais sans Deroy. À la fin de la séance, nous allâmes nous installer au café Lemblin : encore vin blanc et biscuits. Baudelaire me quitta pour aller travailler chez lui et me donna son adresse, nous nous quittâmes un peu liés.

Dans le même été de i845, un soir, pendant un entr’acte de l’Odéon, je le trouvai au café Tabourey. Il me demanda avec une politesse des plus recherchées la permission de m’oflrir un verre de ce qu’il buvait. La politesse raffinée, grand moyen d’étonnement entre camarades de lettres ! Sortis, il me proposa d’aller chez lui (a Savez-vous ce que vous feriez si vous étiez bien aimable ?… ») Nous prîmes un cabriolet, après être entrés chez un marchand pour acheter du vin blanc, et nous rendîmes dans l’île Saint-Louis, quai d’Anjou, n° 17, à l’hôtel Pimodan. — « Cela vous étonne, me dit cheminalement Baudelaire, que je demeure dans un tel quartier ? — Pas le moins du