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Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/403

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mets ; mais je garde la mienne. Je n’ai jamais dit : l’Art pour l’Art ; j’ai toujours dit : l’Art pour le Progrès. Au fond, c’est la même chose, et votre esprit est trop pénétrant pour ne pas le sentir. En avant ! c’est le mot du Progrès ; c’est aussi le cri de l’Art. Tout le verbe de la Poésie est là. Ite.

9 Que faites-vous donc quand vous écrivez ces vers saisissants : Les Sept Vieillards et Les Petites Vieilles que vous me dédiez et dont je vous remercie ? Que faites-vous ? Vous marchez. Vous allez en avant. Vous dotez le ciel de l’art d’on ne sait quel rayon macabre. "Vous créez un frisson nouveau.

» L’Art n’est pas perfectible, je l’ai dit, je crois, un des premiers, donc je le sais ; personne ne dépassera Eschyle, personne ne dépassera Phidias ; mais on peut les égaler, et pour les égaler il faut déplacer l’horizon de l’Art, monter plus haut, aller plus loin, marcher. Le poète ne peut aller seul, il faut que l’homme aussi se déplace. Les pas de l’Humanité sont donc les pas mêmes de l’Art. — Donc, gloire au Progrès.

» C’est pour le Progrès que je souffre en ce moment et que je suis prêt à mourir.

» Théophile Gautier est un grand poète, et vous le louez comme un jeune frère, et vous l’êtes. Vous êtes, Monsieur, un noble esprit et un généreux cœur. Vous écrivez des choses profondes et souvent sereines. Vous aimez le Beau. Donnez-moi la main.

u Et quant aux persécutions, ce sont des grandeurs. — Courage ! 1) »

(1) Celte lettre a paru, comme on sait, en tête de la