Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/460

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quand on a du cœur, et encore moins quand on est un peu artiste.

» Je vous ai vu peu et cependant cela m’a suffi. J’ai bien souvent pensé à vous pendant ma longue absence, et nos réflexions à votre endroit me ramenaient toujours à cette triste pensée que comme beaucoup d’êtres" très bien organisés, vous dépensiez votre trésor spirituel (le seul vrai trésor}, sou à sou, au lieu de risquer une grave affaire. En effet, vous enfermez de grandes idées dans un petit cercle (r), ressemblant à cet homme qui se croit bon marcheur parce qu’il a fait dans un jour le trajet d’un bout du passage des Panoramas à l’autre ; au bout de dix jours, il additionne ses pas, et dit : J’ai été à Bordeaux.

» Mais je vois avec joie que vous n’êtes pas cet homme-là ! Bravo ! développez-vous ; votre pensée est large et originale ! Mettez-nous en scène des gens qui se promènent dans le Ghamp-de-Mars, histoire de fumer une cigarette !

» Venez me voir quand vous voudrez, le plus tôt sera le meilleur.

» Le haut du pavé dramatique n’est pas encombré, allongez les jambes de votre intelligence, et venez faire un tour dans le grand drame.

» La base dont vous me parlez est solide : la rêverie, la fainéantise, la misère, l’ivrognerie et Y assassinat ; avec ces cinq notes-là, on peut faire une mélodie terrible.


(1) Pincebourde a imprimé moule ; c’est cercle qu’on lit dans l’original.