Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/49

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L’ennui morne qui le saisit, dès les premiers temps de la traversée, abrégea son absence. Quand il eut manifesté sa ferme intention de rentrer en France, le capitaine de navire, à qui ses parents l’avaient confié, consentit sans difficulté à son désir et aida lui-même à le rapatrier. Son absence avait duré à peine dix mois (de la fin de mai 1841 à février 1842)[1].

Ce voyage a marqué dans la vie de Baudelaire. Il a sans nul doute contribué à développer sa sensibilité artistique, car on peut découvrir çà et là, dans les Fleurs du mal et dans les Poèmes en prose, quelques traces des impressions qu’il avait reçues des pays lointains et des cieux inconnus contemplés pendant son voyage. Mais il faut absolument renoncer à certaines légendes. Baudelaire a-t-il jamais fait des fournitures de bétail à l’armée anglaise ? Cette assertion de Maxime Du Camp est probablement erronée : il

    de la fidélité de sa mémoire. Au moment où il s’embarquait (mai 1841), Baudelaire n’avait pas dix-sept ans, mais vingt ans ; M. Aupick n’était pas colonel, mais maréchal de camp. Ce dîner n’a pu avoir lieu à Lyon, que le général avait quitté depuis plus de six ans. Enfin, il y a impossibilité de concilier ces deux faits contradictoires : l’emprunt de cinq mille francs et la pacotille de vingt mille. M. Du Camp a, sans doute, été induit en erreur par quelque racontar des amis de Baudelaire ou de Baudelaire lui-même, qui ne se faisait nullement scrupule, comme nous le verrons plus loin, à propos de ce même voyage, d’abuser de la crédulité de ses intimes.

  1. V. à l’Appendice, ch. vi, la lettre de Mme Aupick à Asselineau. V. aussi ibid., ii, la lettre du commandant Saur au général Aupick.