Que devint la malheureuse, quand elle eut perdu l’ami dont le dévouement était sans doute sa meilleure ressource ? Sur ce point, tout renseignement précis fait défaut. Victime de son intempérance, elle serait tombée, m’a-t-on dit, dans la plus noire misère et serait rentrée à l’hôpital pour y mourir quelques années après le décès du poète [1].
- ↑ On ne sait, en somme, presque rien de certain sur Jeanne Duval qui, si j’en crois M. Féli Gautier (Voy. son Charles Baudelaire, Ed. Deman, éd., Bruxelles), aurait fini sous le nom de Jeanne-Prosper, dans un petit logement des Batignolles, et qui, vers 1845, se faisait appeler Jeanne Lemer. J’ai découvert ce dernier détail dans un bien curieux document que son possesseur, qui tient à n’être pas autrement désigné, — a bien voulu me communiquer, sans toutefois me permettre d’en recopier que deux courts passages : c’est à savoir une lettre, datée du 30 juin 1845, une façon de testament, où Baudelaire annonce à un intime son imminent suicide, et lui recommande son amie, Jeanne Lemer.
Voici les deux passages :
« Je me tue parce que je suis inutile aux autres et dangereux à moi-même. — Je me tue parce que je me crois immortel et que j’espère… »
Il faut retenir de ce texte les tristes confidences sur Jeanne. Mais Mme Aupick y a commis une étrange confusion. Maryx et la femme au serpent — Mme Sabatier, v. plus loin, chapitre vii, — dont Gautier a tracé de si séduisants portraits dans sa préface des Œuvres complètes, p. 8, sont deux personnes fort distinctes, et Jeanne en est une troisième. Pour le « monceau de lettres » de Jeanne, dont parle Mme Aupick, il fut, nous a-t-on affirmé, détruit par ses soins.