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De parti pris, il n’a voulu voir chez les femmes qu’il a aimées, fût-ce un seul jour, que leur grâce et leur beauté, sans souci de leur intelligence, ni même de leur moralité. C’est ce qui explique ces vers célèbres des Fleurs du mal :

Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S’éprenant d’un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l’amour mêler l’honnêteté [1] !

C’est encore en vertu de cette indifférence morale, dont il s’était fait une règle de conduite, que, dans le poème intitulé Madrigal triste, il dit à une maîtresse :

Que m’importe que tu sois sage ?
Sois belle et sois triste [2] !…

Il faut voir une véritable profession de foi dans ces vers d’une si réelle et si étrange poésie :

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton souris, ton pied m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

    Gérard, un des personnages du roman, pour lequel Baudelaire a certainement posé, dans l’intention de l’auteur.)
    « Il prisait peu la causerie féminine, et à un de ses amis récemment marié, qu’il visitait quelquefois le soir, il disait, vers neuf heures : Il est tard, envoyez donc coucher votre petite femme ; on ne peut causer avec ces gentils petits oiseaux là. » (Le Gaulois, 30 septembre 1886, article signé Ange Bénigne. (Mme  P. de Molènes.)

  1. Les Fleurs du mal, première édition, p. 194 (Femmes damnées).
  2. Fleurs du mal, éd. des Œuvres complètes, p. 220.