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V


Le moment était venu pour le jeune écrivain de faire ses premiers pas dans la carrière. La précocité de son talent le rendait mûr pour un début. D’ailleurs, il y avait urgence. Son petit patrimoine, à peine suffisant pour lui assurer l’indépendance, se trouvait réduit de moitié par les dépenses de toute sorte qu’avaient entraînées, en deux ans, son initiation à la vie de Paris et ses études artistiques. Sa mère et son beau-père, alarmés, demandèrent et obtinrent qu’un conseil judiciaire lui fût donné (septembre 1844). Le choix du tribunal se porta sur un ami de la famille, M. Àncelle, notaire, homme excellent, d’un esprit cultivé, qui aimait les lettres et qui devint, par la suite, l’ami le plus sûr du jeune dissipateur qu’il était chargé de morigéner. Dans leurs longues relations qui durèrent vingt-trois ans, — jusqu’à la mort de Baudelaire, — M. Ancelle sut concilier ses devoirs de mentor avec la profonde sympathie que lui inspirait son pupille [1], et, par son administration prudente, le petit

  1. Bien qu’il s’emportât souvent contre son conseil, jusqu’à lui adresser des reproches fort durs, Baudelaire ne laissa jamais, dans le fond de son cœur, de lui rendre