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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Monseigneur… — Comment se fait-il, Monseigneur ?… Vous étiez bien sûr de voir arriver un Monseigneur à la suite de toutes ses mémorations paternelles. Il avait la rage et la manie des fonctions et de la titulature au point de conserver des charges les plus minimes et les plus mal appliquées sur un homme tel que lui. Il avait ensuite le ridicule d’en faire mentionner les qualifications dans tous ses contrats. Par exemple, il avait reçu en paiement d’un de ses créanciers la finance d’un brevet de secrétaire du Roi qu’il aurait dû revendre, et il avait reçu en paiement d’une autre dette une charge de lecteur de la chambre de S. M., qu’il avait eu soin de garder pour lui, de sorte qu’il était qualifié tout à la fois dans un même acte, Baron de Breteuil et de Preuilly, Premier Baron de Touraine et secrétaire du Roi ; d’ancien Ministre plénipotentiaire de S. M. et de Lecteur de sa chambre ; de Conseiller du Roi en tous ses conseils et d’introducteur des Princes étrangers auprès de S. M. Ce qui composait un salmigondis risible et dont sa famille était au désespoir. Il aimait beaucoup la littérature et les gens de lettres, et du reste il était bon moliniste. C’était là son beau côté.

L’aînée de mes tantes, Marie-Thérèse de Froulay (la Comtesse du second), était une douairière assez pimpante, vaniteuse, exigeante et personnelle à l’excès. Elle affichait un souverain mépris pour la magnificence qui nous entourait à l’hôtel de Breteuil, ce qui ne l’empêchait pas de n’en jamais sortir qu’en carrosse à six chevaux, avec un piqueur en flèche et quatre laquais en grande livrée. Le Baron,