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SOUVENIRS

vous apparaît aujourd’hui sous un faux jour burlesque, mais vous pouvez compter qu’au XVIIe siècle il ne pouvait et ne devait produire aucune impression de la même nature. Ce que je me rappelle aussi, c’est qu’à la même époque toutes les personnes qui reçurent la Gazette de Leyde y trouvèrent imprimée sur un petit papier l’épigramme suivante, qu’on avait eu soin de leur envoyer de Hollande avec ce journal.

« Cette fameuse banqueroute
« Que fait Louis en sa déroute
« Remplit bien la barque à Caron !
« Il est si pauvre en son vieux âge,
« Qu’on craint que la veuve Scarron
« N’ait fait un mauvais mariage. »

Cette brutalité de quelque mauvais Français, protestant réfugié, fut accueillie par des éclats d’animadversion patriotique et d’indignation filiale, on pourrait dire ; car jamais le grand Roi n’avait paru si grand et ne fut si profondément vénéré qu’au milieu de ses douleurs de famille et du malheur de ses armes.

Milady Laure de Breteuil, autrement dite la Marquise de Sainte-Croix, était une Pairesse britannique infiniment polie, quoiqu’elle fût de grande naissance, ce qui n’est pas plus commun l’un que l’autre dans ce pays-là ; mais elle avait toujours un air mal à son aise et guindé, parce qu’elle se voulait toujours maintenir à califourchon sur les prétentions celtiques de la tribu royale des O’Bryen et des Princes de Thomond dont elle était l’héritière. Son père,