Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

traités par ce prince et par Mme de Maintenon, avec une familiarité particulière. Le Maréchal nous dit que celle-ci ne désapprouverait sûrement pas la liberté qu’il allait prendre de me conduire à Saint-Cyr où Mme de Maintenon s’était rendue le matin pour y passer la journée, et où, du reste, Mme de Froulay avait toujours eu ses entrées personnelles. Nous dînons, nous allons faire une courte prière à la chapelle, à dessein de me montrer l’édifice. Je n’ose pas espérer qu’on me fasse voir le reste du château, parce qu’il n’aurait pas été bienséant, et je le sentis dée moi-même, que je débutasse en ce lieu-là comme une sorte de bayeuse ou de provinciale étonnée ; enfin nous descendons par les degrés de l’Orangerie, où nous attendait le carrosse du Maréchal, et nous voilà sur la route de Saint-Cyr.

Au bout de sept à huit minutes, l’équipage est arrêté subito, et voici des laquais à nos livrées qui se mettent à ouvrir les deux portières, et à en abattre les marche-pieds avec précipitation. — C’est le Roi, nous dit mon oncle ; et il nous fit descendre sans nous presser, parce que ses gens étaient assez bien dressés pour que le temps n’y manquât pas.

Le carrosse du Roi n’était escorté que par trois mousquetaires en soubreveste et par autant de Chevau-légers. Il était, suivant l’ordinaire, attelé de huit chevaux ; il y avait deux Pages aux coquilles du devant, quatre derrière, et le fond des livrées de France était encore en velours d’un bleu d’azur, au lieu d’être en drap d’un vilain bleu foncé comme aujourd’hui. (C’est Louis XV auquel on doit rapporter celle triste innovation, laquelle est d’autant moins