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SOUVENIRS

à passer un trait de plume sur cette qualification suprême aussitôt qu’ils auraient pris la peine de l’écrire ; il était sous-entendu qu’on s’y prendrait de manière à ce qu’elle restât lisible, et nulle cour souveraine n’aurait voulu sévir plus rigoureusement contre ledit gentilhomme. On appelait cette sorte d’exécution judiciaire Ordonnance d’avoir à biffer. La Cour avait beau s’en écrier et s’en irriter, les Parlemens s’obstinaient et la Cour n’y gagnait rien. C’était un grand jeune homme blond comme un Phœbus, avec des yeux noirs admirablement beaux. On disait qu’il avait cent manières de se procurer de l’argent ; mais apparemment qu’il en connaissait deux cents pour le dépenser, car il en manquait toujours. Je vous avais promis de vous parler du Prince Charles-Roger de Courtenay, et je vous tiens parole. Il avait toutes les héritières de France les plus riches et les plus nobles à sa disposition. On aurait dit que leurs pareils s’y croyaient obligés ; chacun cherchait à le tirer d’affaire, et l’on s’en faisait, pour ainsi dire, un cas de conscience. On lui demanda s’il ne consentirait pas à se marier avec moi. Il répondit qu’il aimerait mieux se jeter dans la rivière, attendu que j’avais les yeux noirs et les cheveux blonds. Je vous dirai que, de mon côté, M. de Courtenay m’aurait paru beaucoup mieux s’il avait été différemment. J’ai toujours soutenu que les beaux cheveux noirs et les charmans yeux bleus de M. de Créquy avaient été pour beaucoup dans notre mariage. Le Prince dont je, vous parle épousa bientôt Geneviève de Bretagne, Comtesse de Vertus et d’Avaugour, laquelle avait eu des trésors en hé-