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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ritage après la mort de son grand-père ( le Président de la Grange-le-Lièvre). Elle était noire et chétive, et du reste elle n’était guère plus riche que moi.

Il faut vous dire que le vieux Prince de Courtenay vivait encore et se tenait à Cézy, dont on avait fait en son honneur une espèce de Comté de pièces et de morceaux, pour qu’il eût à sa disposition seigneuriale au moins quelques justiciers, une prison, des menottes, une potence, enfin une juridiction féodale, agréable et rassurante. On disait qu’aussitôt qu’il fut en possession de son droit comital, il avait commencé par faire confectionner une admirable collection de brodequins pour donner la torture et la question judiciaire. Toujours est-il qu’il entendit raconter au fond de son Auxerrois que Monsieur son fils allait accepter le cordon-bleu, quoiqu’il eût passé l’âge où les princes Français le reçoivent. On lui dit que le Prince Charles-Roger s’était engagé par écrit à retrancher de ses armoiries l’écu de France, que ces petits-fils légitimes du Roi Louis VI avaient le droit et la prétention d’y placer au premier quartier. Le père en tomba malade de chagrin ; il se coucha sous la tente de l’Empereur Baudouin de Courtenay, qu’ils faisaient toujours déployer pour achever les épousailles et pour se faire administrer l’extrême-onction. On écrivit au fils de la part du malade, et le voilà parti pour Cézy. Il entra sous la tente impériale de ses grands-pères, qui se trouvait tendue dans le milieu d’une salle immense dont toutes les ouvertures étaient fermées à la lumière du jour. On entrevoyait un vieux Labarum, ou je ne sais quelle bannière de Byzance, au chevet de la