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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

trop ardent qu’il ne fallait pas laisser couler en pure perte, c’était deux anneaux d’une utile et forte chaîne qu’il ne fallait pas laisser couper. Si nous savions combien la Noblesse des autres pays nous envie cette juridiction paternelle de nos Maréchaux, et combien les étrangers admirent cette institution du Point-d’honneur, qui n’existe qu’en France, nous en serions plus orgueilleux que de leur avoir fourni l’Encyclopédie par ordre de matières et l’Homme-aux-quarante-écus. Toujours est-il que le Duc de Richelieu fut obligé de faire des excuses au Comte Emmanuel, et qu’il eut le bon goût de chasser rigoureusement tous ses cochers, en ayant la justice de les pensionner libéralement. Je vous reparlerai souvent du même Duc de Richelieu, qui est devenu doyen des Maréchaux de France, et qui a fait mettre votre père à la Bastille pour l’empêcher de s’aller battre en duel.

Cette autorité, dont l’application n’a lieu que sur le point-d’honneur, dont l’exercice n’appartient qu’aux Maréchaux de France, et qui s’étend sur tout le reste de la noblesse, a son origine dans la souveraine juridiction que le Connétable exerçait autrefois sur les jugemens par champions. C’est un tribunal d’exception, s’il en fut jamais, car il n’y a que les nobles qui soient ses justiciables, et pour décliner l’exécution de ses arrêts, il est suffisant d’exciper de sa qualité de roturier quand on veut s’en prévaloir. Écoutez le récit d’une autre belle affaire qui fut plaidée l’année suivante à la Connétablie.

M. l’Abbé d’Aydie, qui n’avait d’un abbé que le costume et deux prieurés commandataires, avait