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SOUVENIRS

Halte là, Messieurs ! de par le Roi ! s’écria-t-on dans la foule, — Assignés vous êtes à la Connétablie de France, au terme de huitaine, et par nous clamant et proclamant, le Chevalier d’Auvray, Lieutenant de Nosseigneurs les Maréchaux de France et Greffier du point-d’honneur.

Il fallut rengainer les deux épées, car la désobéissance à M. d’Auvray ( qui se trouvait là par hasard) aurait entraîné ces deux jolies et mauvaises têtes entre la hache et le billot ; il fallut donner parole d’honneur de ne pas se rejoindre, et même de s’éviter jusqu’au moment de l’audience, où toute la jeune noblesse avait afflué des quatre coins de l’Île-de-France. Le Doyen des Maréchaux, qui remplaçait le Connétable, était le Maréchal de Tessé. Il était assisté des Maréchaux de Villars, de Tallard, de Berwyck, de Matignon, d’Harcourt et d’Estrées. Tous les jeunes Seigneurs étaient là sans épée, tête nue, dans un profond silence, et nos cousins nous dirent que rien n’était plus imposant que ce vieux et glorieux sénat des juges de la noblesse et du point-d’honneur. Il ne s’agissait pourtant que d’instrumenter pour ou contre deux étourneaux ; mais leurs ancêtres apparaissaient derrière eux, et leur postérité se trouvait en regard. C’était un sang généreux et

    fils légitimé de l’Empereur Charles VII et de la Comtesse Marie d’Arco. Il n’a laissé qu’une fille héritière de sa Grandesse, laquelle a épousé le fils aîné du Marquis d’Hautefort, Chevalier des ordres et Gouverneur de Touraine. La Comtesse d’Hautefort a toujours été mon intime amie, et c’est une personne d’un caractère angélique. « La douceur est une qualité du second ordre et du plus grand prix. »

    (Note de l’Auteur.)