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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

est on privilège uniquement réservé pour le Roi, que M. le Régent gronda sa fille et que les cymbaliers furent renvoyés dans leur caserne.

Nous allâmes nous établir sous le chaperonnage de ma grand’mère, à l’hôtel de Créquy-Canaples, rue de Grenelle, où la Duchesse Marguerite avait eu l’attention de faire ajuster l’appartement de son cousin. Les tentures et les meubles de la grande salle étaient en drap d’or avec des rameaux de pampre en velours cramoisi, tandis que notre chambre de parade était tapissée d’un brocard à fond d’argent tout fleuronné de petites marguerites roses, et brochant sur le tout, de brillantes et grandes gerbes de fleurs naturelles entremêlées d’épis de blé en relief d’or, avec de longues plumes de paon supérieurement bien nuancées, comme aussi de larges rubans satinés, d’un bleu tendre, ajustés en entrelacs d’ornement et courant d’un bouquet à l’autre sur le semé de fleurettes à fond d’argent. Je n’ai vu de ma vie plus belle étoffe et plus agréable à voir[1] ; mais c’était un faible accessoire à son présent de noces, car cette magnifique personne avait fait placer dans ma corbeille pour environ quatre-vingt mille écus de diamants. Toutes les pierreries héréditaires de votre maison nous furent délivrées après sa mort, qui survint inopinément deux mois plus tard, à la suite d’une apoplexie séreuse. Elle n’était âgée que de cinquante-deux ans. Comme elle avait été grand’mère à vingt-huit ans, c’était pour elle que Mme de

  1. M. de Créquy disait que la Duchesse Marguerite en avait de mille sortes en provision de garde-meuble.