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SOUVENIRS

rotundo[1], on croirait vraiment qu’ils sont excommuniés fulminentur ex cathedra, et que l’église de Paris les jette en pâture aux feux sataniques, avec des anathèmes et des éclats d’animadversion furibonde. Je suis étonnée qu’une erreur pareille ait pu s’accréditer parmi les gens du monde, et surtout parmi des gens d’église. Ce n’est pas seulement l’église de Paris qui sévit contre les comédiens, c’est le parlement de Paris qui les réprouve et les excommunie ! Ce parlement qui juge en pays de droit écrit, c’est-à-dire en nous appliquant les lois de l’ancienne Rome, a toujours traité les comédiens de sa juridiction d’après la loi romaine en vertu de laquelle les histrions sont tenus pour infâmes. Les cours souveraines du ressort et du diocèse de Paris ne reçoivent jamais le témoignage des comédiens, attendu que leur serment serait invalide ; ils ne sont pas habiles à devenir tuteurs, on ne leur accorde pas la faculté de recevoir un legs, on ne les admet pas à pouvoir tester, etc. Que voudrait-on qu’eussent fait les anciens Évêques de Paris, à côté d’une jurisprudence aussi dégradante, aussi périlleuse à la moralité des individus qui viennent en affronter de propos délibéré, de gaieté de cœur et gaillardement, les conséquences et la pénalité flétrissante ? Les anciens Évêques ont interdit à ces malheureux Parias du droit romain l’usage des sacremens de l’église ro-

  1. Fréron disait un jour de Diderot que c’était un chien de plomb qui avait une mâchoire de pierre de taille
    (Note de l’Auteur.)