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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pour quatre mois de route, avec autant pour le retour ; et ce qu’il y eut de charmant, c’est qu’elle ne voulut jamais rester plus de quarante-huit heures auprès de sa tante, en disant qu’elle avait absolument affaire à Montivilliers.

Toutes ces princesses de la maison de Nevers étaient d’étranges créatures !

Elle avait dit ensuite à ses Nonnes de Montivilliers qu’ayant été s’héberger dans un couvent des états d’Autriche, elle y trouva deux gaillardes de Princesses-Abbesses qui la menèrent à la comédie, ce qui ne fait pas la moindre difficulté dans ce pays-là. Il arriva que les deux religieuses normandes qui lui servaient d’acolytes, et qui n’avaient jamais rien vu de plus éclatant qu’un maître-autel au salut de la Fête-Dieu, furent tellement éblouies d’édification céleste, en apercevant la majesté de l’Opéra, qu’elles se mirent à genoux en entrant dans la loge. Une de ces bonnes vieilles Dames était encore vivante pendant mon séjour à Montivilliers. Je me souviens qu’elle était de la maison de Mathan, laquelle est une des plus anciennes et des notables familles de la duché de Normandie. Tout ce qui l’avait le plus frappée dans son voyage, c’est qu’elle avait vu, sur l’enseigne d’une hôtellerie, des armes qui ressemblaient aux siennes. Elle avait fini par s’y résigner, mais elle avait eu bien de la peine à mettre au pied du crucifix cette mortification-là.

Touchant l’interdiction des spectacles et des comédiens de Paris, si l’on en croyait les criailleries de Voltaire et les déclamations de M. Diderot ore