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SOUVENIRS

deux prisonniers ; savoir : un vieux Chevalier d’O, qu’on soupçonnait d’avoir tué sa nièce à coups d’épée[1], (quand on disait qu’il était à moitié fou, le Prieur ajoutait charitablement qu’on lui faisait tort de l’autre moitié). Je crois me souvenir que l’autre captif était un chanoine de Bayeux qui ne pouvait s’empêcher de faire de la fausse monnaie : c’était une idée fixe, une sorte de rage, une maladie véritable. Je me souviens très bien aussi du local où l’on avait tenu renfermé le gazetier hollandais ; mais je n’ai jamais compris comment Madame de Sillery[2] avait osé publier (quarante ans après) que c’était une cage de fer, et qu’elle avait été démolie par son élève, le Duc de Chartres[3]. C’était une grande chambre dont le plancher supérieur était soutenu par des poteaux, et je ne vois pas ce que M. le Duc de Chartres y pouvait démolir sans y faire tomber le plancher sur sa tête. C’est assurément une bonne œuvre que de chercher à faire valoir un prince français, mais encore faudrait-il s’astreindre à ne dire que la vérité. Mme de Sillery n’y faisait pas tant de façons, parce qu’elle avait affaire

  1. Nicolas-Brandelis-Joseph de Bailleul d’O, Chevalier des ordres de Saint-Lazarre et du Mont-Carmel, mort au Mont-Saint-Michel, le 4 janvier 1729, ainsi qu’il appert du nécrologe de ce monastère
    (Note de l’Auteur.)
  2. La Comtesse de Genlis, alors Marquise de Sillery.
  3. L.-Philippe d’Orléans, 11e du nom, alors Duc de Chartres, successeur et fils aîné de Louis-Philippe Égalité.
    (Note de l’Éditeur).