Page:Créquy - Souvenirs, tome 10.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deuz forts vaillants, mais le premier homme rude, et furieulx ; le second, plus doulx et plus traitable ; lesquels ayant faict leur querelle particulière de la querelle générale, et s’estant mortellement offensez, ne cherchoyent qu’une occasion pour se couper la gorge. Durant la plus grande ardeur du tumulte, comme on enfonçoit les portes de chez Reigniers (son logis, à Paris, étoit l’ancien hôtel de la Trémoille, rue des Bourdonnois), et comme il se préparoit à recevoir le coup de la mort, arrive Vesins, que le Roy Charles anvoyoit faire son office en Quercy. Il entre dans la chambre où estoit Reigniers, avecque deux hommes ayant touts les trois la rondasche et l’espée a la main, les yeux étincellants de colesre et le visage tout rouge. Reigniers, encore plus effroyé de voir devant luy son plus cruel et capital ennemy, se prosterne par terre, implosrant seullement la Misericorde divine… Mais l’aultre luy commande d’une voix tonnante qu’il ait à se lever pour le suivre : Reigniers obéit, sans pouvoir se dire à quel genre de mort il le destinoit. Comme ils arrivoient dans la rue, Vesins le faict monter sur un beau cheval qu’un de ses gents tenoist en main, et sortant de la ville par la porte Sainct Michel, suivy de quinze aultres, il l’emmène à petites journées à plus de cent lieues de Paris, jusqu’à un billot qui étoit à la porte de Reigniers, » (Un poteau d’armes en dehors du pont Levis du château de Reyniès en Montalbannais. Le Comte de Caylus observe qu’on avoit conservé soigneusement ce poteau seigneurial, et qu’il existait encore du vivant de son père.) « Du-