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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

sensiblement que la pauvre jeune femme ne pouvait y résister, ce qui fut un scandale étrange. — Ne sauriez-vous point qui ma petite-fille de Boufflers avait en face d’elle au sermon ? nous demanda le maréchal : il m’a paru que c’était justement cette Landgrave de Hesse qui n’était point en grand deuil, et qui m’a toujours semblé ridicule.

À peu près à la même époque où Massillon prêchait devant le jeune Roi cette admirable suite de sermons qu’on appelle aujourd’hui le Petit-Carême, le jeune Arouet, qui s’appelait déjà M. de Voltaire, et qui commençait à faire le gentilhomme de lettres, avait entrepris d’assister le Roi de ses bons conseils. Il avait fait un poème assez médiocre à son origine, et qu’on nomme à présent la Henriade ; il aurait désiré que S. M. voulût en agréer la dédicace, et voici venir encore une autre négociation de M. de Richelieu.

Mme Arouet, la mère du poète, avait été fort de ses amies. M. de Richelieu vint me recommander M. de Voltaire, que je recommandai à Mme de Froulay, en la priant de le recommander à l’Évêque de Fréjus[1], qui devait le recommander au Roi ; mais M. de Fréjus répondit à ma grand’mère que la dédicace n’était pas moins malséante que le poème, et de plus il ajouta que le poète ne méritait pas autrement l’honneur qu’il ambitionnait et qu’on

  1. André-Hercule de Fleury de Pérignan, Cardinal, Évêque et Seigneur de Fréjus, Grand Aumônier de la Reine et premier Ministre du Roi Louis XV, mort en 1745, âgé de 89 ans.