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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/168

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SOUVENIRS

lieu qu’en la donnant en latin, dont je ne sais pas un mot, personne ne la pourra croire de moi ; sinon pourtant la Marquise et vous qui êtes les plus honnêtes personnes du monde. Aussi vous pouvez compter que je vous attendais impatiemment pour déguiser mon savoir-faire et faire circuler ma belle épitaphe.

Ce fut encore le pauvre Massillon qui fut de corvée pour l’oraison funèbre de cette Duchesse d’Orléans, dont il se tira le mieux possible, en se rabattant sur la simplicité de ses dispositions naturelles et la rigidité de sa franchise. Il est vrai qu’elle avait toujours été ridiculement laide et mal tournée, et qu’elle avait dit, pendant cinquante ans de séjour à Versailles, les vérités les plus impertinemment dures à tout le monde et sur tout le monde. Parlez-moi d’une camarde pour avoir un petit nez !

Avant mon mariage et celui de Mademoiselle de Guise, on avait été forcé de ne plus nous conduire, aux sermons de la chapelle royale, à cause du Maréchal de Villeroy qui nous y donnait toujours des distractions insupportables ; et je me souviens d’un édifiant et très beau discours de M. Massillon qui fut interrompu par un fou rire de la Duchesse de Boufflers. Le texte en était Bienheureux les peuples dont les Rois sont d’ancienne race. Il n’y avait certainement rien là qui fût de nature à provoquer des éclats de rire, mais à chaque fois que le texte sacré revenait à la bouche de l’orateur, il arrivait que M. de Villeroy, Gouverneur de S. M., se mettait à pleurer d’attendrissement, à sangloter d’un air obséquieux en regardant le Roi, et à grimacer si