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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/184

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SOUVENIRS

de nos valets et qui faillit les mettre en révolution contre nous. Comme je risquerais de l’oublier, et comme il est bien convenu que je ne me refuserai jamais la commodité des épisodes, j’ajoute ici que le cocher de Mme de Marsan, qui nous menait à Nanterre, avait l’âme ulcérée contre moi, tellement qu’il avait refusé d’être à mes gages, et voici pourquoi. — De chez qui sortez vous ? lui dis-je (assez naturellement) quand il se présenta pour entrer à mon service. — Madame, j’étais chez Monseigneur l’Abbé-Duc de Biron, mais il est allé devant le bon Dieu ! — Si celui-là est allé devant le bon Dieu, il n’y sera pas resté long-temps, dis-je à part moi, et voilà ce cocher qui prend un air courroucé. Il me dit qu’il était gentilhomme ainsi que presque tous les valets de l’hôtel de Biron. Je lui répondis que la livrée de Créquy ne faisait pas plus déroger que celle de Gontaut, et je lui dis de monter chez mon intendant pour y faire régler ses gages.

Mais, reprit-il, avant d’aller m’engager, je voudrais bien savoir de Madame à qui Madame cède le pas ? — À tout le monde ! je cède le pas à tout le monde, excepté dans les rues et les cours de Versailles. — Comment donc ! Madame ordonnerait à son premier cocher de céder le pas, dans les rues de Paris, à des Présidentes ? – Eh ! mais, sans doute ; Et c’est avec d’autant plus de raison que je vais souper tous les jeudis dans leur quartier du Marais. — Mais enfin, Madame ne doit pas céder à des Financières, et Madame sent bien que si les gens d’un Financier disputer le pas à son cocher, ce serait à leur couper la figure à coups de fouet. —