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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

que la haute noblesse de tous les pays a eu la contrariété de voir s’éteindre. On a toujours dit que c’était à Mademoiselle de Richelieu qu’on avait à le reprocher…

La Comtesse d’Egmont vivait donc poliment avec son mari, mais voilà tout. Pendant qu’on la mariait à son Marquis de Carabas, on avait fait épouser Mlle de Nivernais à M. de Gisors qui fut tué quelques mois après son mariage : ainsi nos deux amoureux n’eurent pas le temps de se rencontrer dans le monde, où ils ne s’étaient jamais parlé que le langage des yeux ; mais le souvenir du Comte de Gisors était resté tellement présent et sensible à Mme d’Egmont qu’on l’aurait fait s’évanouir si l’on avait prononcé son nom devant elle. Le Prince-Abbé de Salm s’avisa de vouloir en faire un jour l’expérience à l’hôtel de Richelieu : la pauvre jeune femme en fut prise de convulsions abominables, et tous les honnêtes gens firent défendre leur porte à ce méchant bossu. Le Maréchal de Richelieu s’en fut quelques jours après lui faire une visite en grand équipage, comme si de rien n’était et pour le bon air de ne se douter de nulle chose, ce qui fut bien compris et trouvé du meilleur goût.

Il y avait par le monde, ou plutôt hors du monde, un vieux seigneur de la vénérable maison de Lusignan qui s’appelait le Vidame de Poitiers[1]. On savait qu’il était à végéter dans une

  1. Henri-Léon de Lusignan des Rois de Jérusalem, de Chypre et d’Arménie, Comte de Mauvillars Vidame et Vicomte de Poitiers, Brigadier des armées du Roi, Chevalier de l’ordre