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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

est sans égale, elle en fut émerveillée. Le vestibule et les escaliers de marbre étaient garnis de statues et de grands arbres verts ; les antichambres étaient remplies de valets en grande livrée qui étaient rangés sur deux files ; enfin toutes les pièces de l’appartement étaient d’une richesse et d’une recherche nompareilles. Tout cela venait aboutir à une longue et haute galerie, en jardin d’hiver, qui conduisait sous une voûte d’orangers, entre des buissons de myrtes et de rosiers fleuris, et sur un tapis de gazon frais et fin jusqu’à une sorte de petit degré rustique, dont les marches étaient des troncs de baliveaux entrecalfatés avec de la mousse, et dont la rampe était formée de raboteux branchages tortus, rabougris, bifourchus, tricornus et recouverts de leur charmante écorce gâleuse. C’était pastoral et bocager à faire pâmer de satisfaction ; c’était la folie du temps.

Le gentilhomme du Vidame, qui était venu recevoir et qui conduisait Mme d’Egmont, lui demanda beaucoup de pardons de la part de son maître ; Mme d’Egmont se mit à grimper le petit escalier silvestre, qui, du reste, n’avait rien d’incommode, et voilà qu’elle se trouve sur une espèce de soupente, édifiée dans une étable, à 12 ou 15 pieds du sol, et qu’elle aperçoit sur une couchette un vieux monsieur, en bonnet de nuit, qui dormait profondément. Le gentilhomme-servant s’était retiré sans entrer sur la soupente où Mme d’Egmont resta fort embarrassée !… En attendant le réveil de M. le Vidame, elle observa curieusement que l’ajustement de cette espèce de tribune était comme l’escalier, dans le style le plus rustique. Les parois ainsi que