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SOUVENIRS

les murs de l’étable étaient badigeonnés à la chaux vive, et l’on voyait quatre ou cinq belles vaches flandrines au râtelier. Le mobilier de la soupente ne consistait que dans la couchette, qui était sans rideaux, avec une couverture de laine verte et des draps de toile écrue ; deux chaises de paille aussi communes que celles des églises ou des chaumières, une tablette de sapin sur laquelle il y avait une serviette bise, avec quelques ustensiles de poterie rougeâtre et grossière, mais tout cela d’une propreté parfaite ; et, de plus, on voyait, sur les murs éclatans de blancheur, une suite d’images villageoises attachées par de gros clous dont on avait eu la précaution de garnir la tête avec des morceaux de cartes à jouer (afin de ménager et préserver le papier des images, et suivant la coutume des paysans). Cette recherche et cette affectation de simplicité champêtre, au milieu de Paris et dans un palais, divertissaient beaucoup la Comtesse d’Egmont qui prit le parti de s’asseoir et d’attendre paisiblement[1]. Au bout d’un quart d’heure, elle se mit à tousser avec discrétion, et puis elle se mit à tousser plus fort, et puis elle se mit à tousser de toutes ses forces, au point d’en avoir craché du sang. Enfin voyant qu’il n’en résultait rien, elle trouva divertissant de s’en aller sans en rien dire au gentilhomme du Vidame, qui l’attendait au

  1. Je ne sais pourquoi les médecins ne conseillent plus aux personnes qui souffrent de la poitrine de séjourner dans une étable, et surtout d’y coucher aussitôt que la température est devenue rigoureuse. C’était une prescription très salutaire, et dont j’ai vu des effets miraculeux.
    (Note de l’Auteur.)