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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

sous le manteau de sainte Thérèse et sous la bure du Carmel, et malgré les crêpes qui m’aveuglaient, j’aperçus Mons de Voltaire qui se trouvait au premier rang sur notre passage, et qui babillait avec une espèce d’évêque anglican nomme Davidson, en s’appuyant sur son épaule. — Monsieur, lui dis-je en passant, vous ne nierez plus que l’hérésie soutienne l’impiété ! Il a toujours cité cela comme un à-propos miraculeux.

La Comtesse d’Egmont m’avait dit qu’elle était obligée, pour complaire à son mari, d’assister à ce beau catafalque, où sa dignité de Grande d’Espagne lui donnait le droit de prendre séance au premier rang avec nous autres et les femmes de nos Ducs et Pairs, mais le banc réservé pour les Duchesses était presque vide ; il ne s’y trouvait qu’un gros paquet informe et mal assujetti qu’on supposa devoir contenir Mme de Mazarin, ensuite une manière de grand piquet raide et immobile, qui devait être la Duchesse de Brissac, et de plus une petite chauve-souris qui s’agitait continuellement et trépigna pendant tout l’office, ce qui nous fit juger que c’était la Comtesse de Tessé. Rien dans tout cela ne ressemblait à Mme d’Egmont que j’avais annoncée d’avance à ma princesse, en lui disant qu’elle ne pourrait s’y tromper en la voyant faire ses gracieuses et nobles salutations au milieu de la nef et du chœur de Notre-Dame. Ce fut une véritable contrariété pour Madame Louise et pour nous. Mme d’Egmont, faisant la révérence en grand habit, était une sorte de curiosité merveilleuse : j’aurais voulu qu’on pût faire son portrait dans l’action de saluer