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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Après tes cérémonies de l’absoute, où les Princesses et les femmes titrées n’assistent jamais, on nous apprit en rentrant à l’archevêché que Mme d’Egmont s’était trouvée mal en arrivant au milieu de l’église, et qu’elle avait fait un cri terrible en s’évanouissant.

Je la trouvai chez moi qui m’attendait. Elle était pâle comme un suaire et n’était pas encore débarrassée de son attirail funéraire. Elle ne pouvait parler qu’à peine, et tout ce que j’en pus tirer, c’est qu’en approchant du catafalque pour le saluer avant d’aller s’asseoir au chœur, elle avait cru voir le Comte de Gisors en habit d’uniforme et sous les armes. — On m’a porté sans connaissance à la sacristie, me dit-elle, on m’a fait revenir en m’aspergeant d’eau bénite, et me voilà. Ne vous moquez pas de moi je l’ai vu, j’en suis certaine, et j’en suis plus morte que vive !

Je lui répondis que M. de Nivernais m’avait déjà parlé d’un jeune soldat aux gardes qui ressemblait à feu M. de Gisors à s’y tromper, et que c’était sans doute le même soldat qui se trouvait en sentinelle auprès du catafalque ? — Hélas ! dit-elle en étouffant de sanglots, ne voyez-vous pas que ce sera le jeune Séverin son frère, auquel il faudra que je remette ce legs de M. de Poitiers ! Je l’ai promis : il faudra que je le revoie encore une fois ; je m’en effraie, et je suis bien malheureuse. Nous pleurâmes ensemble avec amertume, ce qui ne manquait jamais d’arriver quand je la voyais en affliction ; mais voilà qu’on vint m’annoncer la Maréchale de Maillebois, avec la Comtesse de Gisors