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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/24

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SOUVENIRS

famies de la régence et les affreux débordemens de la Duchesse de Berry, qui nous humiliaient pour la maison de France, et qui faisaient gémir tous les honnêtes gens.

Cette horrible femme était pour nous comme une sorte de plaie hideuse et honteuse, tous les cœurs en étaient navrés et flétris, et l’on aurait dit qu’il y avait alors dans chaque famille honorable une proche parente qui se serait précipitée dans l’abjection. Je vous assure que ma mère et ma sœur et ma fille auraient été fouettées et marquées en place de Grève, que je n’en aurais pas souffert une irritation plus cuisante et plus douloureuse.

La Duchesse de Berry s’était brûlé le sang et les entrailles par l’abus des liqueurs fortes, elle en tomba malade et quand le danger fut devenu manifeste, le Curé de Saint Sulpice (c’était le fameux Languet de Gerzy) ne manqua pas de se présenter au Luxembourg afin d’y remplir ses devoirs de pasteur. Mme de Mouchy lui répondit impertinemment qu’elle n’irait pas l’annoncer à Mme la Duchesse de Berry, parce qu’elle était bien sûre que cette Princesse ne voudrait pas le recevoir. Il ne put rien obtenir de cette misérable. Il déclara tristement qu’il se trouverait obligé d’interdire l’usage des sacremens à la malade, et le bon Curé s’achemina vers le Palais-Royal où M. le Duc d’Orléans le fit introduire immédiatement dans son cabinet. Au bout d’une demi-heure de cette pénible conférence, on vit partir des écuries d’Orléans un carrosse du Prince qui se dirigea sur l’Archevêché pour en ramener le Cardinal de Noailles, à qui M. le Régent