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SOUVENIRS

Il y a eu dans Paris pendant le même temps et durant long-temps trois vieilles personnes qui jouissaient à peu près de la même apparence de considération, mais dont l’existence sociale et la consistance étaient pourtant bien différentes en réalité. La première était la Maréchale de Luxembourg, dont il est impossible de se figurer quel était le bon goût, le bon esprit, le grand air et la parfaite amabilité. Elle était devenue dévote un peu tard, et peut-être parce que rien ne sied aussi bien que la dévotion à une femme qui approche de la soixantaine ; mais ensuite elle était restée dévote de très-bonne foi, sans aucune espèce d’exigence ni d’affectation, ni de pédanterie. La Maréchale avait sûrement plusieurs imperfections, mais la seule chose qui parût à reprendre dans ses habitudes sociales, était une préoccupation si continuelle et si démesurée de la grandeur, et tranchons le mot, de la prétendue supériorité de la maison de Montmorency, qu’elle en aurait paru ridicule, si elle avait eu moins de finesse dans le tact et moins d’habileté dans la manœuvre.

En attendant qu’on eût fait justice de cette vanité sans consistance, M. de Voltaire et toute la séquelle philosophique avaient pris les prétentions de la Maréchale au sérieux : car j’ai remarqué que c’est à dater de la Maréchale et de ses prétentions que la renommée des Montmorency a pris dans l’opinion du vulgaire une importance exagérée, contre qui la haute noblesse a toujours eu soin de protester, et c’est Mme de Coislin qu’il faut entendre là-dessus[1] !

  1. Marie-Anne-Adelaïde de Mailly-Rubemprey, veuve de