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SOUVENIRS

attendu que le Maréchal n’y avait convié, ni lui, Duc de Saint-Simon, ni aucun autre familier du Palais-Royal.

Les Tuileries étaient magnifiquement illuminées en fleurs-de-lys, par des lampions de verre qui couraient d’un arbre à l’autre en guirlandes de fleurs-de-lys ; toutes les allées étaient garnies par de grands ifs découpés en fleurs-de-lys, et les feux d’artifice qu’on tirait tous les quarts-d’heure avaient la même forme. On n’a jamais vu décoration plus royale et plus nationale. Les Tuileries, les rues adjacentes et jusqu’aux toits des maisons voisines étaient remplies et couverts d’une multitude de peuple en exultation tellement délirante que cela finit par donner des vertiges au petit Roi, qui s’en vint précipitamment se réfugier dans un coin de la salle des gardes, où il s’assit auprès de nous sur une banquette en disant qu’il n’y pouvait tenir ; ce fut seulement au bout d’un quart d’heure, que le Maréchal de Villeroy lui vint dire : — Mon maître, venez donc vous montrer à votre bon peuple qui vous aime tant et qui vous attend ! Voilà, je vous assure, tout ce qui fut dit par le Maréchal, et le Roi s’en retourna tout aussitôt sur le balcon sans plus se faire prier.

M. de Villeroy m’a toujours paru le plus vaniteux, le plus déraisonnable et le plus fanfaron des courtisans ; mais dans cette occasion-ci je vous puis certifier qu’il ne proféra pas une de ces paroles d’arrogance et de platitude que M. de Saint-Simon lui prête avec tant de complaisance. Remarquez bien qu’il est obligé de convenir, dans sa narration,