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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/99

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

se montrer flatteur et courtisan, mais c’était là qu’on voyait éclater le mieux sa bêtise, ainsi qu’il y parût auprès de Mademoiselle de Sens[1].

Il avait été chargé, je n’ai jamais compris ni par qui ni comment, d’aller annoncer à cette Princesse la mort de M. le Comte de Charolais (Louis-Henry de Bourbon-Condé), lequel était une infernale créature ! Mademoiselle de Sens qui le vit arriver en habit d’Évêque et qui n’en savait rien autre chose, commença par lui demander si son frère avait eu le temps de songer à ses dispositions… elle entendait sûrement testamentaires ; mais il avait compris salutaires, et le voilà qui se mit à lui dire avec un air de pédanterie douloureuse : – Hélas ! Mademoiselle, il est vrai que c’était un abominable homme, et qu’il avait tué sa sœur naturelle avec un couteau de chasse, et qu’il tirait sur les paysans de Chantilly comme sur des lièvres ; sans compter qu’à Paris il abattait les couvreurs de dessus les toits, et les faisait dégringoler à coups de fusil dans la cour du Palais de Bourbon ; mais la miséricorde divine est bien grande, Mademoiselle, et puis d’ailleurs le bon Dieu doit y regarder à deux fois avant que de damner un prince du sang[2] !

  1. Alexandrine-Charlotte de Bourbon-Condé, Damoiselle de Sens et Vicomtesse de Sennonais. Elle est morte célibataire, en 1759, et je vous parlerai plus tard de ses bizarreries.
    (Note de l’Auteur.)
  2. Monsieur, je vous ai fait grâce encore pour cette fois-ci, lui dit un jour Louis XV, en présence de tout ce qui se trouvait à son lever, mais je vous jure et vous proteste, foi de