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SOUVENIRS

guiser des pointes d’esprit et de les prêter à ladite Amélie, qui ne s’en fait jamais faute ou scrupule. — Maman, racontez donc a ces messieurs ce que je vous disais ce matin[1].

Ce qui me reste à vous raconter au sujet du bichon n’est pas le plus favorable de son histoire. Il y avait à la chapelle du Palais-Royal un grand et gros sacristain franc-comtois, que personne de cette maison ne voyait et ne recevait, si ce n’est à l’occasion de la nouvelle année, comme de rigueur coutumière. Cet homme, assez empêtré de son naturel, arrive un matin du premier janvier chez Madame la Comtesse de Blot, à son tour de rôle, et s’assied sur un pliant qu’elle avait eu l’amabilité de lui montrer de la main sans lui parler. Il croit sentir un faible mouvement de résistance et quelques velléités d’opposition… Il introduit une de ses mains entre son siège et sa personne et reconnaît qu’il est assis sur un épagneul. La queue dépassait, et l’Abbé commença prudemment par la tordre et la renfoncer sous lui. Il avait pris son parti résolument ; il se soulève et se laisse retomber sur le bichon supplicié

  1. Marie du Campet de Saujon, Comtesse douairière de Boufflers et Dame de la Princesse douairière de Conty. Elle est morte en 1799, âgée de 76 ans. Cette Comtesse de Boufflers était la pédanterie même, et comme elle était un objet d’adoration pour M. le prince de Conty, qui était devenu Grand-Prieur de France depuis son veuvage, et qui logeait au Grand-Prieuré de France, ancien palais des Templiers, nous l’appelions l’Idole du Temple. On a dit, à sa mort, que lorsque la belle-mère avait rendu l’âme, la belle-fille en avait perdu l’esprit.
    (Note de l’Auteur, 1804.)