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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

le sieur d’Éon n’eût été dirigée par le père de la défunte et par un excès d’inimitié contre ce jeune homme. On n’avait plus rien à prononcer sur la séduction, dont il ne restait aucun produit ; la décision de S. M. proprio motu n’avait rien de contraire à l’esprit de justice ; mais l’intermission de la puissance royale dans une cause aussi minime était surprenante. Le Roi n’en aurait pas fait davantage et mieux s’il avait été question d’un Prince ou d’un Pair ; chacun se demandait ce que cela voulait dire, et toutes ces bonnes têtes carrées du conseil d’En-haut réfléchissaient continuellement sur cet incident judiciaire.

La Marquise de Louvois ne put s’en taire avec ses amis[1]. Elle avait sollicité une audience du Roi pour le Trésorier général de l’ordre de Clair-

  1. Félicité-Marguerite de Sailly, troisième femme de François-Louis Le Tellier de Louvois-Rébénac-Souvré-Courtanvaux, Marquis de Louvois, Gouverneur de Navarre et Chevalier des ordres du Roi. C’était une des femmes les plus spirituelles de mon temps. Elle était l’auteur d’un charmant opuscule intitulé Voyage autour de mon parc, mais elle n’a jamais voulu le laisser imprimer, et c’est uniquement à cette condition qu’elle en a fait legs à la Marquise de Saint-Chamans, sa belle-fille. Antoine Hamilton n’avait pas plus de délicatesse, de grâce naturelle et de finesse d’esprit, et l’anglais Sterne est bien loin de là pour l’originalité. Mme de Louvois ne voulait écrire, à ce qu’elle disait, que pour six personnes, c’est à savoir, Mmes de Saint-Chamans, de Luxembourg et de Créquy, M. de Craon, un M. Dubaumey (que personne ne connaissait et qui partait comme un trait dès qu’on arrivait chez elle), enfin pour M. le curé de Saint-Jean, qui était son confesseur et qui lui faisait presque toujours brûler ce qu’elle avait écrit. Il faut avouer que la charité n’avait qu’à s’en applaudir.
    (Note de l’Auteur.)