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SOUVENIRS

— Voici donc septante et quatre invitations pour Versailles, disait un petit monsieur vêtu d’un habit de tricot noir à un grand homme de livrée galonnée à la Bourgogne. (On voit qu’il était premier laquais de la maison.) — En voici trois cent nonante pour notre quartier du faubourg Saint-Germain, ensuite une vingtaine environ pour le quartier des Capucines, à partir de la place Vendôme et jusqu’en dehors de la porte Saint-Honoré. En voilà cinq ou six pour le Marais. (Madame a dit qu’il ne fallait jamais faire semblant de mépriser les parlementaires.) — Vous enverrez tout exprès un homme à cheval afin de porter un billet pour M. le Comte de Mercy, Ambassadeur impérial ! — A-t-on jamais eu l’idée de s’aller établir sur le rempart des Poissonnières ! Enfin tâchez d’envoyer quelqu’un d’intelligent qui puisse dénicher M. le Commandeur de Crussol, car il est nouvellement logé, comme un éperdu qu’il est, dans ce mauvais quartier de l’hôtel d’Antin, par-delà le rempart des Vinaigriers et la rue Basse. On a dit à la grand’poste que c’était au coin d’une rue qui doit porter, le nom de M. de Caumartin, le Prévôt des Marchands. Informez-vous-en ; qui cherche trouve. — Envoyez-y Comtois, si vous voulez ; mais faites-lui mettre des guêtres en cuir, car on dit qu’il y a toujours dans ces rues de la Chaussée une boue ! comme aux bas-côtés d’un chemin de village. — Quel misérable quartier de petites gens, sans aucun vieil édifice et sans aucun lieu dont on ait mémoire !… Pas une église, et pas une rue qui n’ait un nom bourgeois ! Jamais le bon Dieu n’a passé par là, comme on dit…