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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

qu’elle entreprit de justifier son observation par le récit qui va suivre.

Elle dît qu’elle avait été deux jours auparavant faire une visite à Mlle de Lénoncour à la grille de son parloir, et qu’après quelques momens de silence, occupés à se regarder tristement, cette jolie novice avait dit, avec un accent désespéré, qu’elle désirait que le Ciel lui fît la grâce de pouvoir un jour pardonner à son cousin tous les chagrins dont elle était accablée depuis six mois. — Eh ! comment donc cela ? quelle sorte de chagrins, mon enfant ? Je vous croyais, d’après ce que nous a dit Mme votre tante, une vocation toute naturelle et bien décidée ?… — Il est marié, répondit-elle en étouffant de sanglots. — Marié ?… je ne le savais pas, ma toute belle… En êtes-vous bien sûre ? — Hélas ! rien n’est si vrai, Madame ! et c’est ma tante de Rupelmonde qui me l’a dit.

— Lui, marié, le Vicomte ?… s’écria subitement le Chevalier de Chastellux ; s’il est marié c’est avec la rage ou la mort ! Oh ! la méchante Rupelmonde ! Oh ! la furie jalouse et vindicative ! Elle aura beau faire, au surplus, il a pour elle une exécration dont elle ne triomphera jamais !

— Eh ! mon bon Dieu, dit la Maréchale de Mirepoix, est-il à supposer qu’on puisse être d’une folie pareille, à l’âge de la Comtesse ? et encore pour le Vicomte, qui serait son petit-fils !… Je croirais plutôt qu’elle a noué cette vilaine intrigue à dessein d’hériter de cette pauvre Henriette, qui est sa pupille et sa nièce, et qui n’a pas moins de vingt mille écus de rente, à ce qu’on dit.