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SOUVENIRS

Quelle horreur et quelle, infamie ! s’écria-t-on de partout. Quelle abjection dans une personne de qualité ! quel abominable procédé pour une parente ! mais surtout quelle indignité de la part, d’une Chanoinesse, d’une religieuse ! — Laissez-nous donc tranquilles, avait dit Mme de Coislin ; rien n’est plus insolent que les bourgeoises qui jouent à la Madame, et il n’y a pas de pires diablesses que celles qui jouent à la dévote !… — Mais, Prince, interrompit la maîtresse de la maison en s’adressant à son mari, n’approuveriez-vous point que j’allasse en parler à M. l’Archevêque ?… Je n’aurais pas un moment à perdre, ajouta-t-elle avec un air de résignation digne et calme ; vous savez que cette profession doit avoir lieu ce matin ? les vœux doivent être prononcés dans quelques heures !…

Le Maréchal inclina sa tête avec un air d’assentiment respectueux, et vingt minutes après la Maréchale-Princesse de Beauvau se trouvait à la grille de l’Archevêché, dont elle eut assez de peine à faire éveiller les suisses, attendu, qu’il était deux heures et demie du matin[1].

Trois heures sonnaient à l’horloge de Notre-Dame lorsque les deux suisses qu’elle avait fait réveiller en sursaut (c’est la Maréchale et non pas la

  1. Marie-Charlotte-Sylvie de Rohan-Chabot, mariée en premières noces à Jean-Baptiste-Henry de Clermont-d’Amboise, Marquis de Resnel, remariée en 1764 à Charles-Just de Beauvau ; prince du Saint-Empire et Maréchal de France ; morte à Paris en 1807, âgée de 78 ans.