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SOUVENIRS

vère avait quelque chose d’inanimé, de sépulcral et de mortuaire, on pourrait dire ; mais aussitôt qu’il avait fait étinceler sur vous ses grands yeux noirs, dont le regard ouvert était si profondément animé, si pénétrant et si ferme ; on était comme ébloui de son ardeur pour le triomphe de sa foi : on en restait subjugué par la vénération.

À droite et à quelque distance de M. de Paris on voyait une petite figure prélative, adossée contre le siège d’un grand fauteuil (et non pas assise, à raison sans doute de la difficulté qu’elle aurait éprouvée pour y « monter et pour en descendre à propos). C’était une figure de nain si régulière et si modeste, si spirituelle et si convenablement digne, que le ridicule ne s’y pouvait appliquer. C’était Monsignor Doria, le Nonce Apostolique, habile et fin diplomate, à qui l’exiguïté de sa taille et la prudente concision de toutes ses réponses avaient fait donner par madame de Créquy un surnom doublement juste ; elle le nommait le bref du Pape.

Non loin de M. le Nonce, on remarquait un jeune Abbé bien poudré, bien mis, en belle soutane de moire avec un charmant surplis en dentelle d’Alençon. Il portait la grande et noble croix fleurdelisée du chapitre de Lyon, qui lui tombait sur la poitrine au moyen d’un large ruban couleur de feu. Il lisait fort assidûment dans son bréviaire, en avant soin d observer si l’Envoyé de Rome avait l’air édifié de sa régularité… Il avait le teint d’une jeune fille, et c’était la fleur des abbés de Versailles, où Mme de Pompadour l’avait surnommé familièrement Suzon la Bouquetière. Enfin c’était M. l’Abbé Comte de