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SOUVENIRS

jusqu’au mois de mars 1760, que l’envie m prit de renouer connaissance.

J’allai donc, un des premiers jours du mois de mars, rue Phelipeaux, chez M. de la Barre. Il sourit en me voyant ; il se rappela qui j’étais et la visite que je lui avais faite l’an passé. Je lui témoignai le désir que j’avais de voir la portion de l’œuvre de Dieu dont il était chargé. Pour m’insinuer mieux dans son esprit, je glissai quelques mots contre la sœur Françoise et le P. Cottu. Cela fit le meilleur effet du monde ; il m’avoua que Françoise disait beaucoup de choses qui étaient contre elle ; qu’elle était dépourvue de sens ; que le P. Cottu était étourdi, sans théologie, sans principes ; qu’il avait un peu trop de vanité, qu’il aimait la bonne chère ; qu’il avait laissé voir ces deux vices en mangeant trop souvent chez des seigneurs et des gens opulens qui avaient désiré voir l’œuvre « Ce qui me choque le plus, dis-je à M. de la Barre, c’est que le P. Cottu s’imagine avoir un droit exclusif aux bontés de Dieu : il veut absolument qu’on voie Françoise et qu’on ne voie qu’elle ; cette partialité m’a toujours révolté… — C’est une marque de votre bon esprit, me répondit-il ; en effet, Dieu varie ses dons ; l’œuvre des convulsions est faite pour représenter l’état actuel de l’Église et la future conversion des juifs ; les différens états des convulsionnaires sont autant de symboles ; l’une est exposée à des brasiers ardens, l’autre reçoit des coups énormes ; l’une parle avec éloquence, l’autre s’exprime avec toute la naïveté de l’enfance ; tous ces différens états sont divins,