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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

et on ne doit pas élever l’un aux dépens des autres… — Monsieur, il m’est venu plusieurs fois une idée que je soumets à vos lumières. Les convulsions ne peignent-elles pas au naturel l’état de la primitive Église ? J’imagine que les premiers chrétiens étaient bien semblables aux convulsionnaires… — Vous avez raison, s’écria M. de la Barre ; on ne peut pas mieux rencontrer. Quelques disciples avaient le don des langues, d’autres celui de prophétie ; ceux-ci discernaient les esprits, ceux-là chassaient les démons ; les dons étaient variés et se réunissaient tous pour ne faire qu’une seule œuvre… — Mais de plus, monsieur, leurs miracles n’avaient-ils pas bien du rapport avec ceux des convulsions ? — Sans doute ; Jésus-Christ ne dit-il pas que ses apôtres avaleront du poison et qu’il ne leur fera pas de mal ? Eh bien ! nous avons une sœur qui avale de la cendre, du tabac et des excrémens délayés dans du vinaigre, et elle rend du lait… — Je le sais, lui dis-je, et on voit plusieurs fioles de ce lait chez M. le Paige, avocat, un de ceux que le Parlementa choisis pour examiner l’Encyclopédie ; et le genre de vie des premiers chrétiens n’est-il pas assez prouvé par le silence des auteurs païens sur leur compte ? Pour moi, ce qui m’enchante quand je vais aux convulsions, c’est que je m’imagine toujours aller aux assemblées de la primitive Église — Ah ! monsieur, que Dieu vous a fait de grâce de vous développer ainsi le plan et l’économie de son œuvre ! Je n’ai rencontré encore personne qui en eût des idées aussi