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SOUVENIRS

heure de plus, je ne doute pas que je ne fusse entré en convulsions.

« On découvrit le côté de cette crucifiée qui avait demandé à y recevoir le soulagement d’un coup de lance, car cette horrible parade était encore une indigne parodie de la Passion de Notre Seigneur. À défaut de lance, on usa d’une lame de couteau qui fut emmanchée tant bien que mal avec une canne de jonc et une jarretière de serge prêtées par deux secouristes. Il en découla du sang en abondance ; on rétablit la croix sur la ligne horizontale, et sœur Françoise se mit pour lors à réciter d’une assez faible voix l’évangile selon saint Jean. On fit baiser à tout le monde un crucifix qui avait touché aux reliques du divin Pâris ; on nous aspergea d’une eau très sale, où l’on avait délayé de la terre du cimetière de Saint-Médard, et finalement on nous renvoya chacun chez nous, en nous disant d’y prier, d’y militer pour la bonne cause et d’y travailler sans relâche à démasquer ces cruels ennemis des saints qui se disent les compagnons de Jésus.

« Je n’oublierai jamais les déportemens sanguinaires et la farouche extravagance de ces fanatiques. »

Je reprends la parole afin d’ajouter à cette déclaration de mon mari que M. le Paige (un Conseiller au Parlement), ayant administré soixante et tant de coups de bûche à Mme son épouse qui se trouvait enceinte, et ceci pour lui procurer par les secours et les mérites du saint Diacre une délivrance moins laborieuse, elle en mourut en accou-