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SOUVENIRS

dant quatre ans sur la cabale et la pierre philosophale avec le prétendu Comte de Saint-Germain, ce qui n’a pas laissé de lui coûter cent mille écus. Le signor Alessandro Cagliostro lui fit dépenser, quelques années après, quatre ou cinq cent mille francs pour opérer l’évocation des ombres de Paracelse et de Moïtomut, qui devaient lui révéler la dernière Arcane du Grand-œuvre. Elle a fini par tomber dans les mains d’un autre imposteur italien nommé Casanova, lequel avait la délicatesse de ne jamais lui demander de l’argent, mais seulement de riches pierreries pour en former des constellations. La délicatesse de son procédé n’avait pas eu l’art de plaire à MM. du Châtel, qui étaient les héritiers de Mme d’Urfé, et qui firent chasser Casanova du royaume. Il avait trouvé moyen de faire accroire à cette femme (d’esprit s’il en fut jamais) qu’elle allait devenir enceinte (à soixante-treize ans) par l’influence des astres et l’action des nombres cabalistiques ; qu’elle en mourrait ayant d’accoucher, mais qu’elle en renaîtrait d’elle-même et toute grande fille, au bout de septante-quatre jours, infailliblement et ni plus ni moins. Il ne s’agissait que d’éviter une seule chose, et c’était de ne pas se laisser ensevelir et enterrer mal à propos. Voilà ce qui malheureusement ne fut pas possible à obtenir de MM. du Chatel, qui, parmi leurs habitudes irrévérencieuses, avaient pris celle de considérer Mme leur grand’mère comme une vieille folle et M. le Chevalier Casanova comme un insigne voleur.

Elle avait donc commencé par avoir des relations intimes et suivies avec le Comte de Saint-Germain,